Associations-communautés-hommes politiques-mouvements Armés dénoncent : Pourquoi le découpage est mis en échec

Associations-communautés-hommes politiques-mouvements Armés dénoncent : Pourquoi le découpage est mis en échec
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Le projet de découpage initié par le ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf, provoque un tollé, notamment au sein de plusieurs communautés, leaders politiques ainsi dans de nombreuses localités du pays. Aussi, plusieurs organisations et associations rejettent ou jugent insuffisante ce découpage territorial qui divise…

En effet, le projet de nouveau découpage administratif connait une vive polémique. Ainsi, plusieurs organisations et associations rejettent ou jugent insuffisante la proposition faite par l’équipe technique du ministère de l’Administration territoriale et de la Primature.

Ce nouveau découpage administratif prévoit la création de dix nouvelles régions : Bougouni, Dioïla, Nioro, Koutiala, Kita, Nara, Bandiagara, San, Douentza, Gourma et à Bamako, la capitale, il est prévu qu’elle soit divisée en dix communes urbaines. Ainsi, les 20 régions et le District sont érigés en collectivités territoriales de région et de District…

Mais, le découpage divise déjà les populations concernées. D’ores et déjà, cette ébauche de réforme fait grincer des dents. Des ressortissants des localités du Sud évoquent un découpage « favorisant les populations nomades et défavorisant les sédentaires ». Et les habitants du Nord dénoncent également le document. Aussi, plusieurs associations, à travers des communiqués, rejettent le dit projet. Elles accusent le ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf, d’avoir fait dans ces localités un découpage sur mesure, favorisant le séparatisme et d’autres s’interrogent sur les critères de désignation. C’est le cas de la population de Goudam.

Ainsi, pour montrer son indignation face au nouveau projet de découpage et réclamer l’érection du cercle de Goundam en région, les associations des ressortissants du cercle de Goundam ont tenu une conférence de presse, le mercredi 30 octobre. Le président du collectif de Goundam, AlamirSina Touré estime que ce nouveau projet qui a fait objet de toutes sortes de contestations dans les médias et les réseaux sociaux ne prend aucunement en compte la principale préoccupation des populations, notamment l’érection de ce cercle en région. « Pis, dans ce nouveau projet, il a été décidé de spolier le cercle de Goundam de toutes ses communes nomades (Aljounoub, Razelma, Tin Aicha, Gargando et Adarmalane) pour les affecter au cercle de Léré », a-t-il déclaré. Avant de rappeler que les ressortissants du cercle de Goundam en commun accord avec l’ensemble des populations des 16 communes, en 2016, avaient sollicité l’érection du cercle en région administrative.

« Cette demande faite sur la base d’un document technique soutenu par des arguments pertinents qui militent à la faveur de l’érection de Goundam en région, dont le contenu n’a pas été retenu dans ce projet de découpage territorial. Cette nouvelle réorganisation territoriale faite sans consultation préalable des populations concernées, peut, si on n’en prend garde, constituer de potentiels foyers de tensions, qui vont contribuer à fragiliser davantage la cohésion sociale et le vivre ensemble déjà très précaires », prévient-il.

Aussi, AlamirSina Touré a fait savoir que leurs associations respectives ont adressé, le mardi 16 octobre 2018, une lettre au ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation pour lui signifier leur rejet de son nouveau projet de découpage.

Un projet de loi (très) contesté

L’IR Ganda, l’Association des communautés Songhaïs en mouvement, rejette à l’état le projet. Les raisons de ce rejet ? « Après avoir pris connaissance du projet de loi dont les insuffisances sont notoires, avec le caractère discriminatoire du contenu du texte qui ne prend pas en compte les réalités sociales et économiques des sociétés dont elle est soucieuse de la défense de ses intérêts IR Ganda se désolidarise en état actuel de sa présentation.

Elle demande une relecture du texte en vue de la prise en charge de l’ensemble des préoccupations des populations et invite les autorités à prendre en compte un nouveau découpage territorial plus juste et équitable ». Autre association à exprimer son refus du projet, l’association Songhaï Ganda Borey qui regroupe les associations et regroupements de communautés sédentaires et nomades de l’intérieur et de l’extérieur du Mali. Elle accuse, dans un communiqué, les initiateurs du projet de semer « la discorde, le désarroi et surtout les germes d’une implosion sociétale dont les conséquences seront préjudiciables pour une réconciliation sincère pour une paix sociale durable et pour le vivre ensemble ».

Pour le Collectif des régions non opérationnelles (CRNOP), le projet de loi ne prend pas en compte les spécificités des localités concernées. « La proposition faite par l’équipe technique du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ne prend pas en compte, dans plusieurs localité, les réalités politiques, économiques, socioculturelles et sécuritaires. Elle est en déphasage avec l’esprit de la loi 2012-017 qui est de rapprocher l’administration aux administrés », indique les responsables du Collectif. En outre, le CRNOP souhaite que ses propositions faites sur le découpage administratif des nouvelles régions, doivent servir de document de référence à l’équipe technique dans l’élaboration dudit projet de loi. « On ne comprend pas comment la région de Koutiala, qui est la plus peuplée de toutes les nouvelles régions créées, ne compte que trois cercles », s’interroge le président du Collectif.

De leur côté, la Coalition contre la partition du Mali (IGDAH-MALI TÈ TILA) composée d’associations de la société civile, des Maliens de la diaspora, des personnalités indépendantes et leaders d’opinions rejette catégoriquement le nouveau projet de découpage administratif. Pour les responsables de la Coalition, leur priorité principale est la défense du caractère unitaire de l’Etat du Mali, sa forme républicaine et de réinstaurer la cohésion sociale sur toute l’étendue du territoire national.

Le président de la Coalition, Abdel Kader Maïga, a indiqué que depuis 2015, des associations comme Gao Lama Borey, des partis politiques, des personnalités n’ont cessé de clamer haut et fort que l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger renferme les germes de la partition du Mali…

Par ailleurs, Abdel Kader Maïga a déclaré qu’un tel projet nécessite toujours une étude préalable et l’accord ne parle nullement de réorganisation administrative et territoriale par ethnie ou par leader de groupes armés. Selon lui, c’est comme à l’accoutumée, des décisions bâclées, prises en catimini pour mettre le peuple devant le fait accompli. « C’était le cas pour les autorités intérimaires, la mise en place des organes de l’accord et la révision constitutionnelle», a-t-il déclaré. Au regard de tout ce qui précède, la Coalition demande solennellement de retirer le projet unilatéral et dangereux pour les Régions : « Préoccupés par les menaces de partition du pays qui prennent de plus en plus corps, nous avons ont décidé de la création de cette Coalition… ».

Des leaders politiques dénoncent…

Après la réunion du cadre d’information des partis politiques sur le projet de découpage territorial en cours, organisée le vendredi 26 octobre 2018, le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, Mohamed AG Erlaf, a sollicité, dans une Lettre circulaire, la présence de tous les partis politiques lors des séances de concertations populaires sur ledit projet. Une demande qui a été rejeté par plusieurs leaders politiques : «Votre initiative n’est ni opportune, ni utile, ni soutenable et encore moins souhaitable pour notre pays.

En conséquence, nous la rejetons et vous invitons à abandonner ce projet qui a déjà reçu une désapprobation unanime de nos compatriotes de l’intérieur comme de la diaspora. Les nombreuses manifestations d’hostilité organisées dans les Régions et à l’extérieur du pays témoignent du rejet de nos compatriotes », indiquent-t-ils dans une note signée notamment par Oumar Mariko (président du parti SADI) ; Housseyni Amion Guindo (président du parti Codem) ; Moussa Mara (président du parti YELEMA) et Moussa Sinko Coulibaly (président de la Plateforme pour le Changement).

Selon eux, ce projet de découpage territorial qui fera du Mali un pays de 20 Régions, 93 Cercles et 10 Communes pour Bamako contient de nombreuses anomalies tant dans la forme que sur le fond. Ce qui rend nécessaire de le reprendre notamment :

-L’absence totale de concertations sur la vision globale qui porte ce projet ainsi que sur ses modalités pratiques de mise en œuvre, pour un pays comme le Mali, très conservateur en matière de gestion territoriale ; donc, cela est rédhibitoire ;

– Votre volonté de « régionaliser » les débats alors que les reformes touchent principalement les cercles et les communes pour la création des circonscriptions et collectivités et ensuite les communes, villages, quartiers et fractions sur les questions de rattachement ;

-Votre précipitation à conduire cet exercice périlleux et très lourd en moins de quelques mois, sans doute la plus importante réforme territoriale du Mali indépendant alors que chacune des précédentes reformes en la matière ont nécessité plusieurs années de préparation.

En ce qui concerne les anomalies liées au fond, le projet du Gouvernement en dénombre plusieurs dont ils citent les principales :

-Le projet n’a pas de rapport direct avec l’Accord de paix qui vise davantage l’opérationnalisation des collectivités, le transfert des pouvoirs et des moyens à leur bénéfice, le renforcement de leurs aptitudes à satisfaire des attentes des populations que la multiplication du nombre de circonscriptions administratives; autrement dit, vous serez mieux dans l’application de l’Accord de paix en faisant en sorte que les Régions, Cercles, Communes, actuels fonctionnent mieux et servent davantage les populations qu’en en créant de nouveaux !;

-Le projet ne peut être justifié ni par les questions de fichier électoral ni par l’ambition de rapprocher l’Administration des citoyens.

À l’inverse, nombreuses circonscriptions administratives sont bien créées sans le niveau minimal d’équipements pour les supporter (absence de Gouvernorat à Taoudéni et de centres de santé de références ou de palais de justice dans certains cercles…) ; Il est, donc, plus opportun pour vous de combler d’abord les nombreux déficits existants avant de vous livrer à des créations de circonscriptions sans suite en matière de bien-être des Maliens ;

-Le projet n’est pas soutenable en termes de moyens humains, matériels et financiers : actuellement les effectifs d’Administrateurs territoriaux compétents ne suffisent pas à occuper tous les postes existants (gouverneurs, préfets, sous-préfets, adjoints) à fortiori les nouvelles circonscriptions que vous envisagez de créer ; le niveau de dénuement de nos administrations dans les régions et cercles est écœurant et vous le notez vous-mêmes dans vos interventions, les moyens du pays sont limités et les priorités étant souvent ailleurs, comment sera-t-il possible de faire face aux nouveaux besoins ?

-Le projet n’est pas équitable entre les communautés et entre les territoires : votre projet n’est pas équitable entre les différentes régions en termes de couverture spatiale du pays par les circonscriptions administratives, il ne l’est pas non plus en termes de présence étatique en rapport avec le nombre d’habitants ; il n’est pas justifiable et porte en lui les germes de la division voire de l’implosion du Mali !

En raison de ces nombreuses faiblesses et anomalies, les contestataires invitent le gouvernement à renoncer à ce projet, dans l’intérêt de notre pays et, donc, dans son intérêt. «Le pays est au bord du précipice. Vous risquez de l’y jeter en persistant dans cette aventure injustifiée et injustifiable».

Rejet des mouvements armés

Du côté des mouvements armés, même son de cloche dans le refus du projet de découpage, alors que le gouvernement justifie, en grande partie, ce découpage par l’application de l‘Accord de paix. Pour le congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), « le découpage administratif était un des points essentiels de l’Accord qui impose au préalable des consultations avec les populations et tous les mouvements politico-militaires ». Idem pour le Front populaire de l’Azawad (FPA) qui fait part de sa surprise dans le fait que le projet n’est basé sur aucune logique.

Pour la tribu Imididaghane de Tombouctou, « la réforme doit être participative, inclusive, juste et objective ». Quant au Conseil supérieur des touaregs de la tribu des Imrad, il marque son opposition au texte. Réagissant à la polémique, le cadre de concertation de Kel Ansar considère le projet de loi de découpage territoriale comme une source de conflit en raison du non-respect d’un principe fondamental, la consultation des populations sur toute forme organisation les concernant. En conséquence, il considère le projet comme « attentatoire aux libertés fondamentales des populations concernées ».

Quant au Conseil supérieur des Imghads et alliés, il appelle à de plus large concertation de toutes les composantes de la population et des mouvements impliqués dans le processus d’Alger. Le CSIA rejette toute création de collectivités territoriales non issue d’un consensus totalement inclusif conformément aux dispositions de l’accord d’Alger.

Mohamed Sylla

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