« LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE » par Nicolas Normand: Des pistes pour l’émergence de l’Afrique subsaharienne

« LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE » par Nicolas Normand: Des pistes pour l’émergence de l’Afrique subsaharienne
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C’est demain jeudi 15 novembre 2018 que le livre intitulé « LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE », de Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, paraitra officiellement en France, où il sera disponible dans les librairies le 20 novembre. Au Mali, il sera disponible à la librairie BAH du Grand hôtel à Bamako, à la fin de ce mois.

« LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE », paru aux Editions Eyrolles (novembre 2018), écrit de main de connaisseur par Nicolas Normand, et préfacé par Erik Orsenna, est un livre d’analyse des transformations et des devenirs de l’Afrique subsaharienne (CHAOS OU EMERGENCE AU SUD DU SAHARA ?). L’auteur apporte des éléments réponses à des questionnements sur l’Afrique, ses réalités et ses croyances, ses modes de vie et ses options pour la croissance et le développement. Il explore des pistes pour une Afrique émergente. A travers démonstrations et analyses, Nicolas Normand arrive à la conclusion que « la fragilité d’assez nombreux Etats africains n’est pas correctement analysée ou traitée : les diplomates et militaires demeurent trop coupés des experts et chercheurs. Les agences de développement ne sont pas suffisamment pilotées en fonction des intérêts politiques et stratégiques.

La fragilité étatique n’est pas traitée de manière prioritaire et adéquate par la communauté internationale, qu’il s’agisse de l’aide au développement, de la coopération militaire ou des opérations dites de maintien de la paix de l’ONU. Les modes traditionnels d’intervention doivent donc être révisés ». Nous publions ci-dessous le résumé sur les messages et analyses : Une révolution culturelle est-elle nécessaire en Afrique ? Sortir de la guerre et du terrorisme : est-ce possible ?

4. Une révolution culturelle est-elle nécessaire en Afrique ?
Les cultures traditionnelles qui donnaient du sens se désagrègent ou se transforment. Par exemple, les représentations de la maladie, de l’enfant ou la sorcellerie répondaient à une négation du hasard et à une rationalité mystique. Le sorcier, accusé de manger les âmes la nuit permettait, selon certains anthropologues, de gérer des tensions sociales. Mais d’autres (Augé) estiment qu’il s’agissait plutôt de reproduire des inégalités et de sanctionner les « échappées individuelles ».

Un certain nombre de pratiques culturelles demeurent (rapports très particuliers à la famille, à l’individu et au groupe, à l’enfant, aux séniors, au temps). Elles étaient adaptées à un environnement naturel hostile mais stable. Mais celui-ci a fondamentalement changé avec la mondialisation. Les « valeurs du cœur », la convivialité et la tradition butent à présent sur la modernité mouvante qui privilégie l’esprit critique, l’innovation individuelle, la projection dans l’avenir et l’éthique du travail, comme l’ont souligné nombre d’auteurs africains.

Un deuxième obstacle culturel et ponctuel à la modernité ou à l’ouverture provient de certaines élites et est plus psychologique. Analysé en premier par Axelle Kabou, il s’agit d’un rejet des nouvelles « injonctions des Blanc ». Celles-ci résulteraient d’un « aveu d’infériorité culturelle ». L’emprunt technologique est ainsi rejeté avec le bain de l’impérialisme, le développement étant considéré comme une ruse idéologique de ce dernier, d’où la recherche d’une « africanité » problématique et s’écartant des exemples de réussites du développement (pays asiatiques) ou rejetant a priori la science économique.

Un troisième frein provient de la diversité des stratégies de contre acculturation (assimilation, séparation, intégration, marginalisation…), de la variété des importations idéologiques et religieuses contradictoires et de leur réinterprétation (syncrétisme religieux multiple par exemple). Ceci crée une absence de socle culturel commun et de vision partagée de l’avenir, qui peut gêner le développement. Ce désarroi a suscité aussi des réactions intellectuelles : successivement la négritude, redonnant une fierté mais s’égarant à « biologiser le culturel », c’est-à-dire à confondre l’inné et l’acquis, l’afrocentrisme tendant à sur interpréter des héros noirs civilisateurs et enfin la recherche déjà évoquée d’une africanité théorique et trop fondée sur le rejet que critiquent d’autres auteurs africains (Célestin Monga, Achille Mbembe).

Les pathologies de l’acculturation mises en évidence notamment par le sociologue Balandier puis par l’ethnopsychiatre Devereux suscitent de nouveaux ? désordres ethniques ?. Le traumatisme acculturatif et la désorientation résultant de l’effacement des systèmes symboliques et explicatifs créent une perte de la transcendance et une crise de l’imaginaire. En se combinant à la détresse socioéconomique, les réactions sont variées, de la déculturation pouvant aboutir à l’homme biologique sans surmoi ou à l’adoption de (sous) cultures de substitution. Un exemple est l’adhésion à une secte de pairs coupés de leurs racines. C’est l’adoption de discours de certitude, sans « méthaphorisation symbolisante », au contraire des religions, et la soumission, l’embrigadement. Le djihadisme en est un exemple typique, facilité par la vague du radicalisme islamique importé (salafisme). Il parait enfin nécessaire de faire du patrimoine culturel africain un atout, en faisant le tri, en redonnant une fierté, en enracinant les bonnes pratiques, mais sans rejet des meilleurs apports extérieurs.

5. Sortir de la guerre et du terrorisme : est-ce possible ?
A l’inverse du Moyen-Orient, les conflits se réduisent depuis 1990 en Afrique subsaharienne, malgré un certain rebond des guerres civiles depuis 2013 et la survenue du djihadisme armé à partir des années 2000. Les conflits internes se transforment, devenant surtout périphériques et causés par de petits groupes.

Les raisons des conflits ont évolué : ils sont désormais principalement liés à la faiblesse d’Etats incapables d’assurer le monopole de la force et de contrôler l’ensemble de leur territoire qui devient alors (en partie) un far West sans shérif. Les motivations du recours aux armes, facilité par l’absence de barrières et de moyens de règlement pacifique des différends, restent principalement l’avidité ou l’ambition et le ressentiment. Mais d’autres facteurs entrent en jeu : l’accès ou le partage des ressources de survie, les richesses minérales, la pauvreté et le manque d’éducation qui abaissent le seuil du recours à la violence, l’instrumentalisation ethnique à l’occasion d’élections, les déplacements de population, la surpopulation localement, la défense d’un féodalisme menacé par la démocratisation (nord-Mali), l’idéologie et le sectarisme pour le djihadisme et le terrorisme d’inspiration chrétienne sectaire (LRA principalement).

La question de la fragilité des Etats devient essentielle. Une descente aux enfers des plus fragiles peut intervenir par étapes : corruption des organes centraux, alliance des élites avec des réseaux criminels, remplacement local de l’autorité étatique par des mafias et des mouvements armés. D’où l’importance de mesurer la fragilité et de chercher à y remédier. On compte, au sud du Sahara, 5 Etats faillis selon des modalités variables : Somalie, Centrafrique, Soudan du Sud, Guinée-Bissau et Erythrée, mais d’autres ont connu cette situation (Libéria, Sierra-Leone, Côte d’Ivoire…) ou ont des parties de territoire échappant à leur contrôle (Mali, Congo- RDC, Nigéria…). Le djihadisme se diffuse : Egypte (années 1980), Algérie (années 1990), Mali (à partir de 2000), Somalie (2006), Nigéria (2009), Afrique de l’Ouest (2015), Congo-RDC (ADF en Ituri depuis 2014), Mozambique (2017). Radicalisation individuelle et radicalisation de l’Islam se combinent en Afrique.

La majorité des recrues ne sont pas d’anciens salafistes, mais le salafisme crée des conditions intellectuelles et spirituelles favorables à la violence. L’active diplomatie religieuse d’Etats du Golfe a répandu le wahhabisme, divisant et influençant l’islam malékite dominant. Des prêcheurs ont aussi répandu la Jamaat’ Tablih, d’origine indo-pakistanaise (Afrique de l’Ouest, Ituri) et le chiisme localement.

Les motivations individuelles des djihadistes sont l’insatisfaction, la dynamique de groupe et l’attraction du sectarisme pour des jeunes acculturés, et enfin l’idéologie. Les facteurs facilitateurs sont : le recul des Etats, l’absence de développement, la dualité de l’enseignement avec les écoles arabophones sans débouché, la multiplication hors contrôle des écoles coraniques, les frustrations des populations de « castes inférieures », le souvenir des djihads du XIXème siècle.

B. Daou

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